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Cap-Vert
Le Cap-Vert, de lumière et de vent
Situé au large du Sénégal, le petit archipel du Cap-Vert a de grandes ambitions: il se donne jusqu’en 2020 pour devenir le premier pays au monde à ne dépendre que du vent et du soleil. Évidemment, la lutte contre le réchauffement climatique motive l’État africain. Mais ce n’est pas la première raison. Le fuel et son acheminement dans ses petits ports coûtent bien trop cher aux Capverdiens.
La forte volonté politique du Cap-Vert se heurte toutefois aux difficultés que connait tout pionnier qui se lance dans une aventure nouvelle : le pays défriche, se heurte à des besoins technologiques impossibles à anticiper et doit inventer de nouveaux modèles économiques et sociaux. Ce petit pays en développement peut-il servir d’exemple à l’Afrique et l’Europe qui l’observent de très près ?
Avoir l’électricité 24h/24 grâce aux panneaux solaires signifie beaucoup de choses : on peut avoir Internet, un réfrigérateur qui permet de conserver les aliments, et une machine à glace pour la pêche. »
Jandir Lima da Graça, pêcheur du village de Monte Trigo, île de Santo AntãoMonte Trigo, le village branché sur le soleil
Monte Trigo est un petit village de l’île de Santo Antão. Il est situé sur une longue langue de roche volcanique plongeant directement dans l’océan Atlantique. Aucune route ne peut y accéder : les petites maisons cubiques des habitants sont cernées par les parois abruptes du relief ciselé de l’île. Comme la plupart des villages isolés, Monte Trigo, a très longtemps vécu avec un accès restreint à l’électricité : cinq heures par jour, grâce à un générateur au fuel. Mais en 2012, la municipalité a réussi à mobiliser des fonds de l’Union européenne pour l’aider à financer 210 panneaux solaires qui sont venus créer une pergola au-dessus de la cour de l’école. Deux hommes ont été formés et embauchés pour veiller sur l’installation. À partir de là, tout a changé : des réfrigérateurs ont fait leur apparition dans les foyers, des ordinateurs, avec un accès très limité à Internet, ont été installés à l’école et chez quelques particuliers. Et dans ce bout du monde, où les hommes n’ont que la mer comme horizon, les pêcheurs ont pu acquérir une machine à glace : le « graal » pour conserver le poisson. Plusieurs fois le soleil a disparu. Mais les habitants, très sensibilisés, ont réduit leur consommation. Et les batteries, censées se vider au bout de trois jours, en ont finalement tenu cinq.
Petit pionnier doit innover
En quatre ans, le pays est passé 2% à 25% d’énergies renouvelables. Il s’est doté dedeux champs photovoltaïques de 7 mégawatts (MW) au total. Mais il a surtout fortement poussé à la création du premier partenariat public privé sur l’éolien en Afrique. Le projet d’un coût total de 78 millions de dollars a rassemblé plusieurs fonds privés d’investissements africain et européen, la Banque européenne d’investissement et la Banque africaine de développement. Il a permis de créer quatre fermes éoliennes sur quatre îles de l’archipel pour une capacité totale de 25 MW, gérées par la société Cabeolica. Cette dernière a reçu de nombreux prix internationaux pour un projet qui peut être rapidement reproduit. C’est d’ailleurs pour cela que la CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), avec le Cereec mais aussi l’Union européenne, et les Nations unies scrutent les avancées de l’archipel pionnier.
Le Cap-Vert est un pays pilote, qui permet de montrer le bon exemple, les bonnes pratiques à toute la région d’Afrique de l’Ouest. »
Mahama Kappiah directeur du Cereec, Centre pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest)La baisse du coût de l’énergie va nous permettre de baisser le prix de nos produits et de nous aligner sur la concurrence internationale. »
Vanderley Rocha, agriculteur de Ribeira da Cruz, île de Santo AntãoVers 100%
Pour tendre rapidement vers les 100%d’énergies renouvelables, le Cap-Vert élabore d’autres projets concernant le solaire, l’éolien et la méthanisation. Mais il doit cependant prendre en compte les problèmes d’échelle qui se posent à lui. Tout d’abord, les réseaux électriques des neuf îles habitées doivent être modernisés. Le pays se heurte également à des décennies de piratage d’une électricité beaucoup trop chère et dont le coût élevé ne pourra baisser que lorsque l’équilibre financier de la société de distribution électrique sera rétabli. Enfin, il manque encore la solution innovante qui permettra aux Capverdiens de pallier les fluctuations du soleil et du vent et d’atteindre les 100%.
À tous les échelons de la société
S’engouffrant dans le mouvement lancé par l’État, des municipalités et des associations se mobilisent pour créer leur propre minicentrale solaire, éolienne ou mêlant les deux. Grâce à des financements européens, africains ou onusiens bouclant leurs budgets, des villages isolés obtiennent l’électricité 24h/24 ; des agriculteurs alimentent des pompes hydrauliques pour irriguer leurs cultures ; des pêcheurs se dotent d’une machine à glace pour conserver leurs poissons. Les énergies propres ouvrent de nouveaux horizons aux Capverdiens. Ils veulent d’ailleurs les mobiliser pour pallier le manque d’eau douce si crucial dans tout l’archipel. Des projets d’usines de désalinisation alimentées par de l’éolien viennent d’être lancés sur plusieurs îles.