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Émirats arabes unis
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Masdar, une cité laboratoire au pays de l’or noir
Dans les sables du désert d’Abu Dhabi, émirat qui produit 90 % du pétrole des Émirats arabes unis, a surgi, en 2008, une cité laboratoire à faible empreinte carbone : Masdar. En arabe, « la source… de toute vie ». Cette oasis abrite, en son cœur, une université spécialisée dans les technologies de pointe du développement durable, le Masdar Institute of Science and Technology (MIST). Chaque jour, cinq cents étudiants expérimentent la vie de demain dans cette ville conçue comme un test grandeur nature. Mais pourquoi parier sur les énergies vertes au pays de l’or noir ? Selon le dernier rapport du WWF « Planète vivante 2014 », l’empreinte écologique des Émirats arabes unis est la troisième au monde par habitant. Si tous les Terriens vivaient comme dans cet État du Golfe persique, il faudrait cinq planètes afin de subvenir à leurs besoins.
Demain, les « rois du soleil »
Ce n’est pas par philanthropie que les dirigeants de cet État, qui compte les huitièmes réserves pétrolières et les septièmes réserves de gaz mondiales, se tournent vers les énergies « propres », en privilégiant le solaire, ressource illimitée dans un pays ensoleillé 350 jours par an. Conscients de l’épuisement à venir de leurs réserves, ils ambitionnent de demeurer l’un des leaders du marché de l’énergie. Et de passer de simple fournisseur d’énergie à une économie du savoir. D’où la création du Masdar Institute of Science and Technology (MIST). « Ici, ils ont compris que l’éducation, c’est la clé pour changer les comportements. Les études sont gratuites, les dépenses des étudiants sont prises en charge et, par rapport à l’Europe, les montants alloués aux laboratoires sont multipliés par dix. Aujourd’hui, ils sont les rois du pétrole. Demain, ils seront les rois du soleil » prédit Nicolas Calvet, seul Français sur les quatre-vingt-treize professeurs du MIST. L’ironie de la situation ne lui échappe cependant pas : « On est financé par l’argent du pétrole pour faire de la recherche sur les énergies renouvelables ».
Masdar est une plateforme post-carbone. Les villes produisent 75 % des émissions de carbone. Pour lutter contre le réchauffement climatique, il ne faut pas dominer la nature, mais la comprendre. Puis travailler avec elle. Enfin, mettre en œuvre la technologie pour augmenter notre zone de confort. Désormais, on doit faire plus avec moins. Masdar est la preuve tangible que, même dans un environnement hostile, c’est possible. »
Anthony Mallows, directeur de Masdar City-
Jeu d’ombre et de lumière
Les architectes du cabinet britannique Foster and Partners, qui ont dessiné cette cité pionnière, se sont inspirés des pratiques arabes ancestrales de construction et les ont modernisées, revalorisant le savoir-faire local. Dans ce pays où les températures atteignent 50 °C et où chaque goutte d’eau doit être dessalée, le design passif de haute technologie permet de réduire les coûts énergétiques. Les rues de Masdar City, à l’image des médinas, sont étroites, courtes et ombragées. Tout le contraire des boulevards écrasés de chaleur d’Abu Dhabi City. De même, la cité piétonne – une révolution au royaume des 4 X 4 – est compacte, dense, à l’opposé de l’étalement urbain qui caractérise la capitale de l’émirat. « Ici, l’exposition solaire a été diminuée de 90 % ce qui permet de réaliser des économies d’air conditionné explique Chris Wan, responsable du design. Les fenêtres, par exemple, ne couvrent pas plus de 30 % des façades. Ailleurs, combien de buildings ont, à la fois, d’immenses baies vitrées et des rideaux ? C’est un non-sens ». Comme le résume Nawal Al Hosany, responsable du développement soutenable : « Chaque détail de la ville est un objet de recherche en soi ».
Attirer la vie
En 2014, Siemens a établi son siège social pour le Moyen-Orient à Masdar City. Puis, en 2015, l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (Irena) y a ouvert ses portes. Après la connaissance et le business, il faut encore attirer la vie, afin de faire battre le cœur de Masdar City. Or, l’Émirat d’Abu Dhabi a, lui aussi, été touché par la crise économique de 2008. Conséquence, les ambitions ont été revues à la baisse sur le plan technologique. Et le chantier a pris du retard. Même si le budget reste pharaonique : 18 milliards de pétrodollars. En 2011, la stratégie a été redéfinie. La ville, d’une surface de 6 km2, sera aménagée quartier par quartier. D’ici à 2030, Masdar City accueillera 1000 étudiants, 50 000 employés dans les entreprises qui s’y seront installées et 40 000 habitants.