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Indonésie
Le palmier à sucre,
sauveur des forêts tropicales ?
En Indonésie, Arenga Pinnata est une bénédiction. Ce palmier à sucre offre aux autochtones l’opportunité de tirer un revenu de la jungle sans passer par la déforestation. À Tomohon, dans le nord de l’île de Sulawesi, une petite usine utilise la chaleur du sous-sol de cette terre volcanique pour évaporer la sève de cet arbre et la transformer en sucre. Zéro déchet et 100 % durable, cette exploitation pilote sera bientôt dupliquée dans plusieurs régions de l’archipel indonésien, et pourrait constituer une alternative à la déforestation sur les autres continents.
L’espoir renaît dans cette région autrefois écologiquement sinistrée
Contrairement au palmier à huile, dont l’exploitation en monoculture ravage une grande partie de la jungle indonésienne, le palmier à sucre s’épanouit aux côtés d’autres variétés d’arbres, qui lui apportent de l’ombre. Ce qui en fait un excellent allié pour la préservation ou la reconstitution des forêts »
Stedy Moningka, récoltant de sucre aren, sur l’île de SulawesiDéforestation record
Alors que l’Indonésie possède la troisième plus grande forêt tropicale de la planète, derrière le Brésil et le Congo, le pays est aujourd’hui champion du monde de la déforestation. Sur la période 2000-2012, plus de 60 000 km2 de jungle ont été rasés, essentiellement du fait des industries de pâte à papier, du commerce de bois précieux et surtout du développement des plantations d’huile de palme, dont l’Indonésie est aujourd’hui le plus grand producteur mondial. Non seulement la déforestation réduit considérablement la biodiversité de cet archipel de 17 000 îles, mais elle accélère de manière inquiétante le rejet de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Le défrichement, notamment par brûlis, place l’Indonésie au troisième rang des pays émetteurs de gaz à effet de serre, derrière la Chine et les États-Unis. Compte tenu de ses émissions carbone, l’Indonésie est le troisième pays contributeur au dérèglement climatique.
Pour lutter contre la déforestation, les paysans se regroupent en coopérative
Une exploitation artisanale et écologique
Le palmier aren donne jusqu’à 50 litres quotidiens de sève sucrée (soit 7 kg environ de sucre en poudre, une fois transformé). Cet arbre magique assure aux paysans qui l’exploitent un revenu confortable tout au long de l’année, sans porter atteinte à l’équilibre de la forêt. À Tomohon, au nord de l’île de Sulawesi, le biologiste d’origine néerlandaise Willie Smits a mis en place un plan de développement pour reboiser les collines qui avaient été dénudées par les agriculteurs au cours des dernières décennies. Il a ensuite encouragé la mutualisation du travail des récoltants de la sève sucrée. Enfin, en se servant de l’énergie géothermique, facilement accessible sur cette île volcanique, il a conçu un prototype d’usine capable de transformer cette sève en sucre, sans générer de déchets ni de CO2. Il crée ainsi une économie circulaire permettant à la région de se développer de manière harmonieuse et durable.
En terme environnemental, cette mutualisation représente un acquis immense. Au lieu de brûler quotidiennement 3 ou 4 m3 de bois pour transformer ma récolte en sucre en poudre, j’utilise le circuit de refroidissement de la centrale géothermique comme un bien collectif que je partage avec les autres récoltants. Nous sauvons ainsi environ 20 000 arbres par an »
Jusuf Wungow, récoltant de sucre aren sur l’île de SulawesiUne production respectueuse de la nature et bénéfique pour l’environnement
Il était urgent de changer les habitudes. Le déboisement était si important que l’eau des pluies n’était plus filtrée par la végétation. Tous les ans, en janvier et février, Tomohon était victime d’inondations spectaculaires. Paradoxalement, les sources se tarissaient avec la disparition des arbres, nous étions en train de mourir de soif.
Et le climat devenait plus chaud et plus sec en dehors des périodes d’inondation. En 2005, une première équipe de villageois commençait à planter des arbres. En 2010, 230 hectares de forêt étaient déjà reconstitués. Depuis, la reforestation continue »
Julius Pontoh, professeur de sciences à l’université Sam Ratulangi de Manado